La Bretagne est une région indéniablement connue pour la beauté de ses paysages et la gentillesse de ses habitants. Mais, il réside aussi au cœur de ses terres et jusqu’aux bords des littoraux, un folklore local très puissant. Ce folklore, ce sont les contes et légendes bretonnes qui l’inspirent : korrigans, fées, magie et autres fantaisies « druidesques ». Tant d’histoires, puisées au plus profond de l’imaginaire (ou pas, qui sait ?) qu’il nous plaît vivement de croire réelles. Avant, les légendes étaient forcément orales, elles étaient transmises de générations en générations. Pour autant, de nombreux contes et légendes bretonnes ont traversé les siècles. Cela nous permet de vous offrir une petite sélection de légendes bretonnes, de celles qui sortent un peu des sentiers battus !
Dans ce premier Ă©pisode de notre sĂ©rie, dĂ©couvrez les lĂ©gendes bretonnes d’Ille-et-Vilaine.
La Forêt de Brocéliande
Quel article sur les contes et légendes bretonnes peut donc oublier de mentionner cette belle forêt magique qu’est Brocéliande ? En effet, si la Bretagne est réputée pour ses crêpes et son cidre, elle l’est aussi pour cette forêt, berceau de toutes les légendes et du folklore breton. Mais c’est aussi le terrain de jeu de l’épopée arthurienne. C’est d’ailleurs les romans de la Table Ronde qui nous ont apporté une très grande partie des histoires qui nous sont contées aujourd’hui : Merlin, Viviane, et autres fées… Mais la forêt de Brocéliande, ce n’est pas que ça, tout n’est pas que magie.
La nuit, il paraĂ®trait qu’il ne faut pas s’y rendre seul, car tout ce qui y vit ne serait pas forcĂ©ment bercĂ© par l’envie de faire le bien. En effet, outre le chien noir (ki-du en breton), ou la jument de nuit – ‘night mare’ en anglais, cela ne vous rappelle rien ? -, ce qui arrive après est autant voire plus terrible encore : les lavandières de nuit (kannerezed noz en breton). Ces femmes, damnĂ©es pour des raisons variables selon le conteur, battent des linceuls souillĂ©s près des eaux du Rauco, au cĹ“ur du Val Sans Retour (le lieu oĂą la puissance de BrocĂ©liande est la plus concentrĂ©e).
Elles apparaissent aux hommes seuls et une fois le soleil couché, jusqu’à son lever. Il est fortement déconseillé de répondre à ces femmes qui se lamentent et se plaignent du poids de leur linge trop lourd à porter pour leurs bras décharnés. Elles vous demanderont de les aider à tordre le tissu pour l’essorer. Si vous les croisez et que vous ignorez la mise en garde, alors veillez à tordre le linge dans le même sens qu’elles, sinon, soyez assuré de voir la mort en face.
En effet, tous ceux qui ont succombĂ© Ă leurs plaintes, et qui ont malencontreusement tordu le linceul dans le mauvais sens, auraient Ă©tĂ© retrouvĂ©s noyĂ©s dans l’eau, les deux bras et l’âme brisĂ©s, bien malheureux d’avoir finalement tordu leur propre corps Ă la place du tissu… Le seul moyen d’échapper Ă ces spectres serait de se diriger le plus vite possible vers des terres fraĂ®chement labourĂ©es, car elles s’y enfoncent…
Dans la Forêt de Brocéliande, il se passe aussi de jolies choses.
C’est un très grand lieu de recueil pour ceux qui s’y sentent liĂ©s, de par les lĂ©gendes qu’on y raconte ou de par l’atmosphère fĂ©Ă©rique qui y subsiste malgrĂ© tout. Il y règne toujours un climat extrĂŞmement puissant, chacun vient y chercher quelque chose de diffĂ©rent. Cependant, toujours mu par le mĂŞme besoin de se connecter Ă quelque chose de plus fort que soi… NĂ©anmoins, mĂ©fiez-vous si vous y allez de nuit, qui sait sur qui vous pourriez tomber…
Le Diable changé en fille
Il est souvent racontĂ© que le bon Dieu et les saints venaient rĂ©gulièrement se promener dans les landes bretonnes ou sur les sentiers de campagne. Mais il est coutume de rappeler que le Diable aussi y prenait son plaisir. Cette lĂ©gende prend place Ă l’Ă©poque oĂą le compagnonnage exigeait que l’on fasse un tour de France. Les compagnons, vieillissants, aimaient ainsi raconter leur pĂ©riple de jeunesse.
Un jour, Ă Rennes, deux compagnons de l’artisanat de la charpente quittèrent la ville en direction de Nantes oĂą ils espĂ©raient pouvoir travailler. Ils arrivèrent Ă Bain, dans l’après-midi et trouvèrent une auberge oĂą ils purent se restaurer tranquillement. Une fois le repas terminĂ©, ils allèrent se reposer près de l’Ă©tang qui bordait la petite ville. Ils se couchèrent sous un arbre et finirent par s’endormir. Au milieu de la nuit, ils se rĂ©veillèrent, se constituèrent un maigre casse-croĂ»te et se lavèrent dans l’Ă©tang. Puis ils reprirent la route, malgrĂ© une fatigue persistante qu’ils ne parvenaient dĂ©cidĂ©ment pas Ă Ă©liminer. Sur le chemin de Pommeniac, l’un des deux dit Ă l’autre : « Comme il serait bon de voir un peu de jeunesse bien Ă©veillĂ©e pour nous Ă©moustiller ». L’autre lui rĂ©pondit que, hĂ©las, les jeunes filles ne couraient pas les chemins dĂ©serts Ă des heures aussi avancĂ©es de la nuit.
Ă€ peines ces mots fussent-ils prononcĂ©s qu’ils entendirent des bruits de piĂ©tinement Ă cĂ´tĂ© d’eux. Ils virent alors, sans vraiment le comprendre, une jeune demoiselle. Elle leur demanda si elle pouvait faire sa route avec eux. Ils ne refusèrent pas, malgrĂ© leur effroi : elle Ă©tait apparue de manière beaucoup trop inopinĂ©e pour ne pas Ă©veiller leur angoisse. Leur route se fit silencieuse jusqu’au village de la BrĂ©harais, oĂą ils s’arrĂŞtèrent dans un cabaret, tant pour s’abreuver que pour tenter de se sĂ©parer de la jeune femme. Mais elle les suivit dans le bâtiment oĂą ils se firent tous trois servir une bouteille de vin blanc.
Ă€ la lueur de la chandelle, l’un des deux compagnons remarqua un attribut Ă©trange de la demoiselle : Ă la place des ongles, ce qui semblait ĂŞtre des griffes. Il partagea sa dĂ©couverte avec son compagnon qui fit mine d’aller fumer sa pipe. Il fit part au cabaretier de la dĂ©couverte. Le maĂ®tre de maison, avec l’assurance de l’ancien militaire qu’il Ă©tait, lui rĂ©pondit : « Soyez tranquille, je me charge de tout. Invitez-moi seulement Ă votre table. » Lorsqu’ils furent tous les quatre autour de la table, le cabaretier se saisit de son verre et le jeta au visage de la jeune femme. Un bruit d’explosion se fit entendre, la vaisselle et les vitres se brisèrent, et les bougies furent soufflĂ©es. La jeune femme avait disparu, laissant place au vide.
Les deux compagnons reprirent la route. Jamais ils ne surent comment le cabaretier avait devinĂ©, ni comment tout ceci avait pu se produire, mais il est certain que le diable s’Ă©tait dĂ©guisĂ©, et avait espĂ©rĂ© pouvoir les emporter avec lui.
Et si vous le croisez, peut-être ne le devinerez-vous pas non plus, alors méfiance sur les chemins bretilliens…
Les contes et légendes bretonnes revêtent un aspect parfois diabolique qui ne ressemble pas tant que ça à la Bretagne elle-même, mais qui fait pourtant entièrement partie de son folklore. Dans le deuxième épisode de notre série légendaire, vous découvrirez deux légendes bretonnes du Finistère !