Contes et lĂ©gendes bretonnes – Partie 3 : le Morbihan

Culture Contes et lĂ©gendes bretonnes – Partie 3 : le Morbihan

Le premier Ă©pisode de notre sĂ©rie sur les contes et lĂ©gendes bretonnes Ă©tait consacrĂ© Ă  l’Ille-et-Vilaine. Le deuxième vous a proposĂ© deux belles lĂ©gendes du dĂ©partement du Finistère. Pour le troisième Ă©pisode, nous vous offrons deux grandes lĂ©gendes morbihannaises, dans lesquelles nous retrouvons une part d’imaginaire et une autre de rĂ©alitĂ©. A vous de dĂ©terminer laquelle est la plus grande…

La Mariée de Trécesson

Saviez-vous que la Bretagne avait sa propre version de la Dame Blanche ?

Un nuit de l’annĂ©e 1750, un braconnier chassait le lièvre dans le parc du Château de TrĂ©cesson, Ă  la bordure entre le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. La lune Ă©tait pleine, ce qui Ă©clairait la forĂŞt d’une lumière argentĂ©e. Le silence rĂ©gnait, quand soudain, le braconnier entendit un bruit de cabriole sur les branches sèches. Craignant de se faire attraper, il alla se cacher dans un arbre, grimpant rapidement sur la première branche assez solide pour le supporter. La voiture tirĂ©e par des chevaux s’arrĂŞta au pied de son arbre.

Plusieurs hommes en descendirent, munis de pelles et de pioches, et se mirent Ă  creuser ce qui ressembla vite Ă  une fosse. Une fois fait, deux hommes de bien meilleure classe que les autres arrachèrent de la voiture une jeune femme vĂŞtue de soie blanche et d’une couronne de fleurs. Elle semblait jeune mariĂ©e. Pourtant, son visage Ă©tait dĂ©formĂ© par l’horreur, les larmes et les lamentations : « S’il vous plaĂ®t, mes frères, ne me tuez pas, ne me jetez pas en pâture aux enfers souterrains ! » criait-elle aux deux hommes qui la traĂ®naient plus qu’ils ne l’escortaient.

Des plaintes vaines car ils restaient de marbre, froids et inflexibles.

Il la jetèrent brutalement dans le trou et elle fut rapidement ensevelie par la terre. Le braconnier en perdait le souffle : on venait d’enterrer une jeune femme vivante sous ses yeux. Tous les hommes reprirent le chemin inverse qui les avait menĂ©s ici, Ă  bord de la cabriole.

La nuit retrouva son calme, et le braconnier descendit de son arbre. TroublĂ©, il ne songea mĂŞme pas Ă  aider la pauvresse, et partit en courant jusque chez lui et raconta tout Ă  sa femme. Celle-ci le traita de lâche, mais l’idĂ©e qu’on pourrait les retrouver tous les deux près du corps probablement inerte de la jeune femme lui donna un frisson : elle ne voulait pas risquer la potence. Elle courut, suivie de son mari, et raconta le crime au seigneur du château, M. de TrĂ©cesson, qui ne mit pas longtemps Ă  comprendre la raison de cet acte abominable.

Il ordonna Ă  tous les gens de la maison d’aller trouver ce lieu. Lorsque ce fut fait, et que le premier servant fouilla la terre et trouva le visage inerte de la victime, elle ouvrit les yeux doucement.

Et dans un dernier soupir, les referma Ă  jamais.

La nuit s’Ă©chappait dĂ©jĂ  un peu, face Ă  l’aube pĂ©nĂ©trante. Une enquĂŞte ultĂ©rieure rĂ©vĂ©la, bien des annĂ©es après la mort de M. de TrĂ©cesson qui avait eu cĹ“ur Ă  retrouver les coupables, que ceux-ci Ă©taient en rĂ©alitĂ© les frères de la jeune femme, Triphine de Kertineur, et que son mariage secret avec une famille rivale avait signĂ© son arrĂŞt de mort.

Depuis, dans le parc du château de TrĂ©cesson, on aperçoit parfois une Dame Blanche, l’esprit de Triphine, tourmentĂ©, toujours en quĂŞte de l’absolution et du repos qu’elle mĂ©ritait.

Le menhir de BormouĂŻs et le meunier de Saint Salomon

Cette lĂ©gende concerne l’un des très nombreux menhirs prĂ©sents dans le dĂ©partement du Morbihan. Évidemment, il n’est pas de menhir sans sa lĂ©gende. Celle-ci, donc, nous raconte l’histoire d’un meunier plus malin que le Malin lui-mĂŞme.

Il y a plusieurs siècles de cela, quand les landes bretonnes Ă©tait bien organisĂ©es et bien cultivĂ©es, un riche meunier de Saint-Salomon, avare et imbu de lui-mĂŞme, entreprit de clĂ´turer sa propriĂ©tĂ© avec un mur de pierres. Mur qui saurait le mettre Ă  l’abri des regards curieux ou indiscrets, et qui pourrait mĂŞme dissuader les voleurs. Mais Ă  l’Ă©poque, il n’Ă©tait pas forcĂ©ment Ă©vident de construire toute une clĂ´ture. Les pierres Ă©taient lourdes, et les collines devenaient des monts infranchissables. Le meunier fit appel aux maçons qu’il connaissait, et tous se montrèrent assez (voire trop) exigeants pour ce travail. Avare comme il Ă©tait, il ne se voyait pas dĂ©bourser les sommes demandĂ©es pour une clĂ´ture.

DĂ©sespĂ©rĂ© de voir que son mur ne verrait pas le jour, il se dĂ©cida Ă  invoquer le diable. Avec lui, un traitĂ© serait plus facilement rĂ©alisable, se disait-il. Le Diable consentit Ă  Ă©tablir un marchĂ© avec le meunier, mais non sans y gagner sa part du gâteau. En Ă©change du mur, le Malin demanda la fille du meunier, elle Ă©tait belle, jeune et douce. Le meunier rĂ©flĂ©chit quelques instants, et avec une petite idĂ©e derrière la tĂŞte, il accepta. « C’est d’accord, Ă  la seule condition que le mur soit terminĂ© avant que le coq ne chante. » Le dĂ©mon rĂ©pondit, ravi, que rien n’Ă©tait plus facile pour lui.

Il se mit alors Ă  l’Ĺ“uvre.

Les pierres s’entassaient, et la clĂ´ture se dressait petit Ă  petit, Ă  la lueur de la lune argentĂ©e. Il ne manquait plus que la pierre que le Diable portait Ă  plein bras quand tout Ă  coup, le chant du coq retentit.

La bonne du meunier avait plongĂ© la volaille dans un seau d’eau froide, ce qui l’avait fait chanter. Furieux qu’on l’ait roulĂ© dans la farine, le Diable planta la roche Ă  l’endroit oĂą il Ă©tait, avec une telle force qu’il l’incrusta en profondeur dans le sol, y gravant Ă  jamais la forme de ses bras et de ses mains. En dĂ©coula le menhir de BormouĂŻs, et le nom de « Pierre du Diable ».

Sauriez-vous ĂŞtre aussi malin que notre meunier pour arriver Ă  vos fins ?

Entre une Dame Blanche et un menhir tĂ©moin de la fureur d’un Diable abusĂ©, on ne sait plus comment apprĂ©hender le Morbihan. Cependant, gardez Ă  l’esprit que tout peut aussi ĂŞtre rĂ©el…

Dans le prochain Ă©pisode, quatrième et dernier de notre sĂ©rie sur les contes et lĂ©gendes bretonnes, vous dĂ©couvrirez le folklore imaginaire du dĂ©partement des CĂ´tes-d’Armor. Les costarmoricains savent aussi entretenir l’esprit et le faire vaciller…

Je mange le beurre au couteau et en dépit des années passées loin de la France, je reste très attachée à mon Finistère. Un peu chauvine sur les bords, j'aime l'idée de montrer ma région sous un angle différent et je me base sur une philosophie : nul besoin d'ouvrir les yeux pour voir le monde autrement, il suffit d'ouvrir son esprit.
61 articles
Briec
Lire les articles de Marnie Averty